dimanche 1 février 2015

Gélules par gélules

Je suis allée chez un nouveau psychiatre qui m'a changé mon traitement. J'ai désormais un médicament spécial bipolaire à ce qu'il paraît. Inscrit sur la liste 2, interdit aux enfants et sur prescription obligatoire.

C'est drôle, parce que j'ai l'impression que je ne m'habituerais jamais à prendre ces gélules. Ces petites particules solides qui se liquéfient dans mon estomac et qui se diffusent sournoisement dans tout mon corps.

Parfois je les regarde longuement avant de les mettre en bouche, je me dis tiens je suis condamnée à ça tout ma vie. Faut que ça devienne une habitude. Certaines, je les avale tout rond, le Depakote 250, je n'aime pas ça du tout, ça a le goût de l’hôpital psychiatrique. Ça me fait peur, je grimace, j'avale ça avec de la grenadine très vite.



Je crois que je suis esclave de mes médicaments, sans eux je suis rien du tout, certains changent mon humeur d'une façon totalement hallucinante. Si je les prends pas je sombre, je me noie toute seule dans ma mélancolie. Alors je les prends, parce qu'il faut bien, et que je sais pertinemment ce qui m'arrivera si je ne les prends pas. J'irais de dépression en dépression, je recommencerais à faire n'importe quoi, je serais plus vraiment moi, j'aurais plus conscience du jour et de la nuit, j'oublierais de manger, je parlerais plus beaucoup ou pour dire des choses totalement insensées, je perdrais encore 20 kg en 1 mois, je redeviendrais toute petite, toute fragile et démunie face aux bruits autour. Et ça, je vous assure que je ne veux pas. Même si cette période avait un côté très excitant, même si c'était bien qu'on s'occupe de moi, je veux plus jamais. Et j'ai tellement peur que ça arrive.
Aller d'examen en examen, d'electrocardiogramme en electrocardiogramme, se faire choquer une fois, se faire perfuser et avoir des bleus, se faire peser toutes les semaines et venir quémander des médicaments aux infirmières avant de dormir ... Au secours, plus maintenant, plus jamais, plus jamais jamais. 

Ces séjours en hôpital psychiatrique m'ont fait terriblement peur, et je n'ai réalisé ce qui m'était arrivé que très récemment. Alors j'étais tombée si bas ? J'en suis arrivée à une telle extrémité ? Avant mes séjours, je me vantais de n'être jamais allée à l'hôpital, qu'il ne me soit jamais rien arrivé de grave niveau santé. Et bien je crois que là j'ai rempli tout mon quota.
Je me rappelle encore les gens que j'ai vu, un gitan tatoué de partout qui s'inventait mille vies toutes plus palpitantes les unes que les autres, et qui m'avait même demandé en mariage un jour, mais je crois bien qu'il était défoncé, enfin bon, ça m'avait fait plaisir quand même. Y avait aussi cette femme perpétuellement enceinte qui était totalement hystérique, qui était placée en isolement, avec son ventre énorme, elle parlait tout le temps, elle ne racontait que des conneries, c'était à la fois fascinant et super flippant. Y avait aussi un type bourru, avec une veste en cuir façonnée par le temps, les tempes dégarnies et la bouche de travers, il m'a appelé Salope un jour que je prenais mes médicaments, et je ne sais toujours pas pourquoi. Il y avait aussi ce vieil homme qui avait des airs d'Alain Delon, mais en beaucoup moins classe et en plus vulgaire aussi, qui sentait le tabac et qui avait des pieds gigantesques. Cette petite mamie aux cheveux roux et au nez crochu de sorcière, qui portait le même prénom que ma maman, avec des yeux bleus délavés et qui ne souriait presque jamais. Y avait aussi ce type un peu perdu, qui me faisait des câlins, on avait presque construit quelque chose ensemble, mais je savais bien que je n'irais pas bien loin avec lui de toute façon. Je me rappelle également de cette fille, que j'ai recroisé depuis, qui avait mon âge, qui en était à son 4ème ou 5ème séjour, qui s'appelait Marina, et qui m'avait dit un jour "tu as de beaux cheveux, je peux toucher ? " pour finir par me serrer la gorge pendant 5 bonnes secondes. J'ai vraiment cru mourir ce jour-là.



Ma maladie me semble de plus en plus envahissante. En même temps, c'est un vrai paradoxe, j'ai l'impression d'être totalement dépassée, mais de bien vivre avec. Certains disent que c'est un prétexte, que je m'invente des problèmes, que c'est dans ma tête. Et j'ai beau dire que non, ça reste une question délicate. Bien entendu que c'est dans ma tête, mais il se passe un truc chimique, ce n'est pas juste "moral".
Je suis dans une période un peu bizarre en fait. Je ne suis plus perdue, mais je me pose de plus en plus de questions. Comment ça sera quand je vais être mère, comment ça sera quand je vais perdre ma mère, qui va s'occuper de moi, comment je vais faire pour avouer à la personne que j'aime que je suis malade un jour, comment est-ce qu'il le prendra, est-ce que je préfère les sushis au saumon ou au thon ? Ce genre de questions.


J'ai vu une de mes soeurs jumelles ce week-end, ça m'a fait bien plaisir. On a fait des trucs plutôt cools, comme aller au resto, aller à un concert électro ou faire un tour de Tours. Et ça m'a fait vraiment du bien. Je sortais d'une semaine un peu éprouvante, un peu fatigante, à pleurer deux jours de suite et à pas aller à tous les cours.
J'ai vu aussi un... un ami ? Un... un ... plan cul ? Un... non en fait je ne sais pas trop ce que c'est. Juste, il m'a fait beaucoup de bien, il m'a remonté le moral. En arrivant chez lui, il m'a demandé si j'allais bien, et je lui ai répondu très franchement que non. Et le lendemain, au petit matin, il y avait des croissants, du jus d'orange, et un café trop sucré sur la table basse. Et tandis que je fumais une clope, il a saisi sa guitare, s'est mis à gratter et à chanter en même temps, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Moi je souriais comme une idiote, j'étais bien avec lui, lui il voyait rien il fermait les yeux, peut-être qu'il jouait pour lui-même, j'en sais rien, ou pour moi, enfin bon, je me disais tiens je suis encore en train de vivre un moment cinéma. Et ça m'a tellement mise de bonne humeur, ça m'a tellement fait du bien, ça a un peu illuminé ma journée. Ouais en anglais on dirait You made my day.
J'avais bien besoin qu'on me cajole, et qu'on me dise ma chérie,le souffle haletant au creux de l'oreille et de mes cheveux défaits par les draps.

J'espère que la semaine qui se profile sera bonne, je vous embrasse bien fort très chers lecteurs et lectrices.



7 commentaires:

  1. Je trouve que trop de gens préjugent des maladies d'ordre psychologique... C'est les maladies les plus sournoises, les plus vicieuses, puisque leurs signes ne sont pas visibles physiquement.
    En tout cas ton article est très émouvant, je te souhaite de passer d'aussi bons moments que ce weekend :). Bisous ma belle.

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  2. Je ne pensai pas que s'en était au point d'être sous médicament.

    En tout cas, Je te souhaite un bon courage.
    Et que tu trouvera les réponses qui te convienne à tes questions ;)

    Depuis quelques mois, je suis passé aussi à un traitement à vie, mais moi, c'est pour de l'hypertension.

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  3. C'est symbolique : des bleues, mais aucune rouge.
    (Je ne t'oublie pas.)

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  4. Et dans cette maladie difficile parfois même déstabilisante je t'accompagne. N'hésite jamais à faire appel à moi, je serai là.
    bisous
    Une oreille qui vit de l'autre côté de l'océan, au prise avec la même âme que la tienne.

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  5. Courage ma belle ! Je t'embrasse fort. Sache que la lumière finit toujours par percer. Toujours. J'ai écris ça récemment : http://oops-mymind.blogspot.fr/2015/01/life-is-beautiful.html

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  6. Courage ma belle ! Je t'embrasse fort. Sache que la lumière finit toujours par percer. Toujours. J'ai écris ça récemment : http://oops-mymind.blogspot.fr/2015/01/life-is-beautiful.html

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  7. Depuis que tu as publié cette note, quelque chose me tracasse profondément. Et, finalement, j'ai enfin compris quoi : au saumon, les sushi, au saumon.

    (Ca va beaucoup mieux en le disant.)

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